Les travaux des états généraux de l’enseignement supérieur et universitaire de la République démocratique du Congo se sont ouverts officiellement, vendredi 10 septembre 2021 à l’Université de Lubumbashi dans la province du Haut-Katanga (sud-est du pays).
Censées avoir lieu chaque après 5 ans, ces assises se tiennent plutôt pour la première fois depuis 25 ans. Précédés par des travaux préliminaires et des ateliers préparatoires organisés dans toutes les provinces du pays, les assises proprement dites des états généraux de l’ESU vont se dérouler, selon le programme donné, durant 5 jours, soit jusqu’au mardi 14 septembre 2021.
Pendant cette période, plus de 300 experts venus de toutes les provinces du pays et d’ailleurs, dont des professeurs, des administratifs et politiques intervenant dans ce secteur vont faire un diagnostic sans complaisance du fonctionnement de l’enseignement supérieur dans l’objectif d’apporter de grandes réformes.
Une responsabilité pour l’Université de Lubumbashi

Pour tenir ces travaux qui arrivent 25 ans après, les autorités du pays ont porté le choix sur l’Université de Lubumbashi. Ainsi dans son mot de bienvenue lors de la cérémonie d’ouverture tenue dans la salle de conférence internationale baptisée « Salle Monseigneur Tshibangu Tshishiku Tharcisse » et inaugurée à cette occasion, le recteur de l’UNILU en sa qualité du président provincial des Chefs des établissements de l’enseignement supérieur et universitaire de la région du Katanga, a souligné que ceci est une responsabilité pour son institution et non une privilège. « L’Université de Lubumbashi est honorée en ce sens qu’il s’agit d’une responsabilité et non d’un privilège » a dit Gilbert Kishiba Fitula.
Dans son mot d’ouverture, le ministre national de l’enseignement supérieur et universitaire, Muhindo Nzangi Butondo, a rappelé que ces états généraux ont été voulus par les praticiens et partenaires dans le secteur éducatif universitaire congolais, tout en saluant la volonté du gouvernement de la République, traduite par la décision, au 16e Conseil des Ministres du 20 août 2021, d’organiser ces assises dans la ville de Lubumbashi, au Haut-Katanga.
D’après le patron de l’ESU, « ces États généraux ont comme objectif général de relever, redresser, requalifier et innover le Système de l’Enseignement Supérieur et Universitaire en République Démocratique du Congo, conformément au Pilier 11, Axe 51 du “Programme d’actions du Gouvernement 2021-2023” ».
En cet axe, a précisé le ministre Muhindo Nzangi, « le Programme d’actions du Gouvernement se propose de concrétiser la volonté du Président de la République, Chef de l’État et Grand Chancelier des Universités et Instituts congolais, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, d’ériger l’éducation comme pilier majeur d’impulsion de développement durable et de prospérité de la société congolaise ». Et cette mission a été confiée à son Ministère.
Des grandes réformes attendues

Pour le numéro 1 de l’enseignement supérieur et universitaire en RDC, « sans réformes audacieuses, il n’est pas possible d’améliorer notre système universitaire, dont les fondations ont été posées par des vaillants artisans de la grande réforme de 1971, et de l’adapter aux évolutions de l’environnement congolais dans un contexte mondial, façonné désormais par les technologies numériques, la globalisation économique et financière, ainsi que de nouvelles formes de mobilité enseignante et estudiantine ».
Parmi ces réformes, a souligné M. Muhindo Nzangi, figurent en tête des priorités, celles qui consistent : d’une part, à réajuster le système universitaire congolais, au regard de l’évolution des universités dans le monde et notamment le système LMD (Licence-Maitrise-Doctorat), conformément à l’article 98 de la Loi-Cadre n°14/004 du 11 février 2014 et à la Stratégie Sectorielle de l’Éducation et de la Formation ; d’autre part, à réfléchir sur l’amélioration des conditions de travail et de vie du Personnel enseignant, administratif, technique et ouvrier pour que nos Universités et Instituts Supérieurs continuent à être non seulement des espaces de production et de transmission des savoirs, mais aussi des lieux de production de richesses pour garantir leur autofinancement et la qualité des services à la société.
Autres réformes importantes attendues

Selon les propos du ministre Muhindo Nzangi Butondo, ces assises doivent être aussi l’occasion d’attaquer les antivaleurs qui gangrènent le secteur de l’enseignement supérieur et universitaire congolais. « Ces antivaleurs se manifestent, entre autres, dans la prolifération des universités, écoles et instituts supérieurs non viables. Leurs promoteurs sont parfois des marchands du savoir, obnubilés par la recherche de l’argent. Avec souvent un personnel enseignants et administratifs sous-qualifiés, ils offrent des formations approximatives et une diplomation au rabais. », a regretté Muhindo Nzangi.
Pour ce qui est de la répartition asymétrique des professeurs et de la concentration des enseignants qualifiés dans les trois pôles universitaires de Kinshasa, Lubumbashi et Kisangani, Muhindo Nzangi propose de penser à conférer au Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire le pouvoir d’affectation des professeurs dans les Universités et Instituts Supérieurs en manque ou en pénurie en personnel qualifié. Ainsi dans ce cas, une prime supplémentaire serait envisagée pour les enseignants qui acceptent de prester en permanence dans les Universités et Instituts Supérieurs déficitaires en personnel, a-t-il indiqué.
La question de la production scientifique et de la formation professionnelle n’ont pas été mis à l’écart par le ministre. « Au sujet de la production scientifique qui permet au Professeur de réaliser son parcours académique et d’accéder au grade supérieur, ne devrions-nous pas renforcer les conditionnalités ? On exigerait qu’un candidat au grade de professeur produise deux livres dans son domaine de spécialisation, cinq articles scientifiques, en plus des notes de cours et de la charge horaire. Le candidat au grade de Professeur ordinaire, produirait trois livres, quatre articles, en plus de la formation de deux docteurs à thèse », a dit Muhindo Nzangi estimant que cela permettrait de combler le déficit qualitatif et quantitatif dans le domaine de publications scientifiques et dans celui du personnel académique.
« Au sujet de la professionnalisation dans les filières des Sciences humaines et sociales, de droit et d’économie, ne devrions-nous pas nous rendre compte, au regard des critiques formulées par les entreprises et l’Ordre des avocats, que la période de stage d’un mois est insuffisante pour conférer les compétences requises aux apprenants ? Ne devrions-nous pas généraliser dans ces filières deux types de stages réalisables par l’étudiant chaque année académique ? Un stage académique d’immersion en Administration ou entrepreneuriat, et un stage professionnel dans l’année terminale du premier et du deuxième cycle. Le stage académique annuel serait d’un mois, réalisé en période de grandes vacances, et le stage professionnel de six mois. Ainsi l’étudiant ne pourra valider un cycle de trois ans qu’après avoir justifié d’une période de stage de huit mois et douze mois pour un cycle de cinq ans », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, le ministre de l’ESU de la RDC a appelé les participants aux assises à aboutir à des résolutions raisonnables et réalisables et promis de les appliquer. Juste après le lancement, quelques panels et travaux en commission ont été organisés vendredi et vont se poursuivre jusqu’à la clôture le mardi.